STRATEGIE DE L’ECRITURE DANS LOEUVRE DE ABDELLATIF LAABI

DARREHMANE BOUDRISS
2010 / 3 / 18




« voilà donc l’exemple d’une écriture dont la fonction n’est plus seulement de communiquer ou d’exprimer, mais d’imposer un au-delà du langage qui est à la fois l’Histoire et le parti qu’on y prend » R.Barthes


Emprunté au domaine militaire, puis au domaine politique, le mot stratégie signifie l’ensemble des procédés utilisés pour atteindre un but final. Quant à la stratégie discursive signifie l’ensemble des procédés stylistiques et rhétoriques pratiqués par un auteur pour faire circuler son discours et lui faire acquérir droit de reconnaissance au sein des composantes discursives de son cadre de référence. Les discours que produisent les individus constituent pour eux leur lieu d’accueil, le lieu où ils se réfugient quant ils se trouvent rejetés par les circonstances c’est pour cette raison que Heidegger a considéré le langage comme la maison de l’être.
Le parler ordinaire des individus s’exprime en majorité par des signes vocaux. Parfois chez certains poètes tels que Abdellatif Laabi, les traces de ces signes vocaux persistent et s’impriment dans l’écriture, peu d’écrivains sont arrivés à débrider l’expression de leur voix intérieure, cette voix qui ne cesse de les interpeller et qui ne cesse de les pousser à écrire. Il suffit de se rappeler de l’écriture d’un Lautréamont qui ne reproduit pas uniquement sur le traçage de son écriture ses signes vocaux, mais les traces de ses griffes. Car, dans l’homme civilisé, que nous sommes, gît quelque part l’homme sauvage que nous étions, et les poètes par leurs expressions poétiques lapidaires sont là à nous rappeler les traces de notre patrimoine génétique peut-être mieux que le font les explorateurs de l’ADN.
La poésie en tant que discours spécifique constitue un champ favorable pour faire investir l’expression du corps. Dans la poésie, on crie, on vocifère, on vomit, on mange, on pisse, on sourit, on fait tout. La poésie est le langage libre du quotidien, le langage qui nous fait rappeler que l’aube de l’humanité était un temps libre ; et c’est pour cette raison que la poésie n’a pas supporté pour beaucoup de temps les canevas de la métrique classique à tel point que les classiques eux même sont devenus des fossiles de l’histoire littéraire. La poésie s’est vite libérée des carcans préétablis de l’expression factice.
La poésie n’est pas seulement une parole, une expression, elle est aussi « un instrument spirituel qui transforme le monde chaotique des sensations en monde des objets et des représentations. »" H. Delacroix, Le langage et la pensée, p.126
Cette puissance magique du langage poétique consiste à se substituer à la réalité en faisant exister réellement ce qu’elle nomme : tous les moyens de l’esprit sont enfermés dans le langage ; et « qui n’a point réfléchi sur le langage n’a point réfléchi du tout." Alain, Propos sur l’éducation, 66
Le langage poétique, ce n’est pas uniquement un pavé dans la marre des événements mais il a un rapport avec la civilisation. Il joue un rôle important dans le développement de celle-ci. Sans l’existence de l’expression magique de la poésie, il n’y aura pas de monde à part, un monde qui fera vivre aux individus leur singularité. L’importance du langage, dit Nietzsche, dans le développement de la civilisation réside en ce que l’homme y a situé à côté de l’autre monde, un monde à lui, un lieu qu’il estimait assez solide pour, s’y appuyant, sortir le reste du monde de ses gongs et s’en rendre maître." Nietzsche, Humain, trop humain. I . 11.




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