L’Accord (5+1)-Iran: Le paradigme de «Yalta» révolu

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2016 / 1 / 23

Si l’Accord international sur le programme nucléaire iranien de 2015, à Vienne, est acquit, c’est qu’un pas décisif dans l’histoire contemporaine de l’Humanité est franchi, voire un pas de géant accompli. Désormais, les conférences des grandes puissances sont tenues après des défaites économiques et non militaires.
Plus de conférences à la «Yalta» de 1945 entre vainqueurs militaires mais des négociations à la « Lausanne », « Washington» et dernièrement à Vienne en 2015, entre vainqueurs d’embargos économico-financiers et le pays en « capitulation » économique.
Signés avant 70 ans, en février 1945 par les Américains, les Britanniques et les ex Soviétiques, les accords de Yalta avaient prévu, devant la défaite militaire imminente de l Allemagne Nazie alors, le partage de celle-ci en quatre zones d occupation et la création de l’Organisation des Nations Unies pour maintenir la paix et la sécurité mondiales et l’élimination du danger d une nouvelle guerre mondiale.
Après 45 ans, en 1990, la seconde superpuissance de l’après guerre et signataire de « Yalta », en l’occurrence l’ex -union- Soviétique n’avait point survécu à la banqueroute économique et financière de sa gestion collectiviste de l’Etat.
Notre problématique ici s’articule sur l’idée selon laquelle la puissance militaire n’est plus la seule solution salutaire pour régler les litiges et différends dans le concert des Nations.
Aujourd’hui, l’accroissement du recours aux sanctions économiques au lieu et place des opérations militaires dans le règlement des litiges internationaux est peut-être annonciateur du degré d’interdépendance vulnérable entre Etats. En fait, l’efficacité de ces sanctions économiques est indéniable à cause de cet état d’interdépendance entre les pays du monde. Cette interdépendance est accentuée par la révolution numérique laquelle a miniaturisé le monde en en faisant un village planétaire et donnant à son « intégration » économique, financière et médiatique un élan infernal.
Empiriquement, cette tendance vers les sanctions économiques dans la société internationale se manifeste actuellement via les cas Iranien et russe. Deux pays qui ont été frappés par des sanctions économiques et financières depuis 2006 pour l’Iran et depuis 2014 pour la Russie. L’Iran a obtempéré alors que la Russie résiste encore son « hard power » milite en sa faveur encore, mais peut-être pas pour longtemps.
Le mardi 14 juillet 2015 (l’anniversaire de la révolution pour les français) à Vienne, les grandes puissances planétaires (les membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne) ont conclu avec l Iran un accord pour résoudre le dossier nucléaire iranien et ce à l issue de 21 mois de négociations et neuf ans de sanctions économiques, financières et d’embargo militaire (2006-2015).
Les « tirs d’artillerie lourde économique » de la Communauté internationale contre le pays des Mollahs, étaient parsemés pendant ces neuf ans comme suit :
- Le 23 décembre 2006, la Résolution n° 1737 du Conseil de sécurité de l Organisation des Nations Unies avait interdit la vente de tout matériel ou technologie qui puisse contribuer aux activités de l Iran dans les domaines nucléaire et balistique. Ladite Résolution n autorise pas le recours à la force mais donne soixante jours à l Iran pour "suspendre toutes ses activités nucléaires sensibles en termes de prolifération". Cette décision faisait suite à l’inobservation par l’Iran de la résolution précédente du conseil n° S/RES/1696 (2006) du 31 juillet 2006-;-
- Le 24 mars 2007, ce même Conseil alourdissait les sanctions infligées à l Iran pour son refus de suspendre ses activités d enrichissement et de retraitement de l uranium -;-
- Le 3 mars 2008, ledit Conseil a adopté une résolution qui aggravait légèrement le régime de sanctions économiques et commerciales imposé à Téhéran depuis décembre 2006 -;-
- En 2010, de nouvelles sanctions européennes ont été prises contre Téhéran en raison de son refus de renoncer à l enrichissement d uranium ,
- Le 9 juin 2010, le Conseil de sécurité, via la résolution 1929, inflige des sanctions à l Iran, pour la quatrième fois depuis 2006 -;- et
- En juin 2013, les É-;-tats-Unis ont renforcé leurs sanctions unilatérales contre l Iran en annonçant, le 12 décembre, le rajout à leur liste noire une dizaine d entreprises et d individus soupçonnés de contourner le programme de sanctions internationales contre l Iran .
Pour rappel, les Etats-Unis imposent à l’Iran des sanctions depuis la révolution iranienne de février 1979 et la chute du Shah et surtout depuis 1996 avec l’application de la loi dite « Iran-Libya Sanctions Act ».
L’effet de ce processus coercitif économique et financier avait été brossé par le Fonds Monétaire International (FMI). Cette institution internationale estime dans son rapport de 2015 que les indicateurs de l’économie iranienne étaient au rouge à cause des répercussions négatives des sanctions économiques occidentales sur le pays: taux de croissance faible, le produit intérieur brut a enregistré une croissance négative de -1.9% pour l’année 2013 et une croissance faible de +0.5% en 2015. Alors que l’inflation bat des records (34.7% en 2013, 15.5% en 2014 et 15.1% en 2015) .
La Russie, elle aussi, s’est trouvée et se trouve sous un régime de sanctions économico-financières imposées par les pays occidentaux (É-;-tats-Unis, -union- européenne, Japon et autres pays de l’Organisation de Coopération et de Développement É-;-conomique) et ce depuis le déclenchement de la crise ukrainienne début 2014. L’Occident reprochant au pays des Tsars son immixtion dans les affaires internes du son voisin ouest.
L’impact de ces sanctions s’est fait dangereusement sentir aux citoyens russes, leur monnaie nationale a chuté de moitié de valeur en plus de la dégringolade des cours de pétrole, principale source de rentrées en devises pour l’économie russe. Le FMI, lui encore, a prévenu, que l’économie russe connaitra une récession de 3.8% en 2015, si les sanctions sont maintenues . Alors qu’en 2014, le Produit intérieur brut de la Russie a chuté de 22 milliards de dollars : de 2204 milliards en 2013 à 2026 en 2014. Aussi les investissements -dir-ects étrangers (IDE) ont chuté de 2% en 2014. Les réserves en devises eux-aussi ont dégringolé de 25%: de 510 milliards en 2013 à 385 milliards en 2014 .
Une conférence à la « Vienne » pour le dossier russe est-elle envisageable, à terme, au fur et à mesure que les cours du pétrole chutent et les ventes d’armes régressent? Un facteur aggravant la situation économique russe est l’intervention militaire aérienne en Syrie depuis fin septembre 2015. Le trésor russe résistera t-il aux aventures du président Poutine ?
De toute façon, les pourparlers tenues initialement en Suisse puis en Autriche entre l’Iran et les grandes puissances internationales ont pu débloquer manu militari ce litige international.
Après la conclusion et la signature de l’Accord (5+1 – Iran), John Kerry, secrétaire d’É-;-tat américain déclara : « […] notre querelle n’a jamais été avec le peuple iranien et nous savons que les sanctions liées au nucléaire ont profondément affecté la vie de la population iranienne. Grâce à l’accord obtenu aujourd’hui, cette situation va commencer à changer. En contrepartie des changements profonds que l’Iran a accepté d’apporter à son programme nucléaire, la communauté internationale lèvera les sanctions nucléaires qui pèsent sur l’économie iranienne […]» .
Cet état d’esprit des relations internationales nous rappelle la théorie de la "Puissance structurelle", forgée par Susan Strange dans les années 1980. Théorie se basant sur l idée selon laquelle les rivalités sur la scène internationale, depuis les années 1970, étaient désormais d ordres économique et financier bien plus que militaire. Pour cet auteur, la puissance structurelle est la capacité à déterminer la façon dont sont satisfaits quatre besoins sociaux essentiels dans une économie moderne: la sécurité, le savoir, la production et la finance. Cette puissance est donc en quelque sorte la capacité à influer sur les besoins des consommateurs.
Ce sont ces consommateurs iraniens qui ont vraisemblablement poussé l’Etat iranien à obtempérer et reporter ses ambitions nucléaires vers d’autres décennies voire d’autres générations.
Potentiellement, d’autres consommateurs, dont les russes, peuvent suivre si les économies de leurs pays endurent les aléas des embargos économiques et des sanctions financières.
En guise de conclusion, après 70 ans, le paradigme de « Yalta », de 1945, post opérations militaires, est, peut-être, substitué par le paradigme de "Vienne", 2015, post sanctions économiques et ce du fait que les démocraties-puissances ne recourent à la guerre que rarement ou avec intermittence à cause de leur vulnérabilité électorale face à leurs opinions publiques.
Deux bonnes nouvelles:
En date du 10 septembre 2015, la chambre du Senat au Congrès des Etats-Unis à majorité républicaine a échoué à invalider l’Accord 5+1-Iran .
Plus encore l’accord s’est concrétisé en ce début de 2016 et les sanctions ont été levées le 16 janvier 2016 après le feu vert donné par l’Agence Internationale de l’énergie atomique «AIEA».
C’est peut-être la consécration d’un paradigme qui s’installe dans les us des relations internationales.
Tant mieux pour la paix mondiale et surtout pour d’innombrables vies humaines sauvées et épargnées de Les aventures belliqueuses des Etats.
Bibliographie
-;- Strange, S., «The Future of the American Empire», Journal of International Affairs, 1988, vol.42, n°1.
-;- Site web officiel des Nations unies : http://www.un.org
-;- Site web officiel juridique de l’-union- Européenne : http://www.eur-lex.europa.eu
-;- Site web officiel du Fonds Monétaire International : http://www.imf.org
-;- www.focus-economics.com
-;- www.iipdigital.usembassy.gov
-;- www.dhnet.be
-;- www.ladepeche.fr




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