TOUT LECTEUR EST UN ENNEMI de Ridha SMINE

Jacqueline BENAHMED
2012 / 2 / 16

TOUT LECTEUR EST UN ENNEMI de Ridha SMINE
« Nouvelles » de notre monde…

Par Jacqueline BENAHMED

Si le lecteur lui-même est un ennemi, qu’en est-il de cette humanité qui s’écrit entre le loup et le mouton? Existe-t-il une, des positions, entre le prédateur et sa proie ? Où nous plaçons nous, nous lecteurs, par le jeu de l’identification, sur cette échelle d’humanité, quand la lie côtoie le sublime?
L’auteur nous donne à voir un monde où plane un danger polymorphe omniprésent, l’obsession de ce danger, où s’enchaînent tous les tourments de « la condition humaine ».
A la mesure de l’homme qui se débat dans les affres des dilemmes, des douleurs et des tentations. L’avenir est-il possible ?
A la mesure du couple, l’homme se perd par la femme, la Goule elle-même est féminine. Quand l’équation de l’amour se résout dans le sexe et la mort, ou au contraire qu’elle se décline entre domination et dépendance par la soumission consentie. L’amour est-il crédible ?
A la mesure de la communauté, où quand l’équilibre des forces semble acquis, que les bâtiments sociaux jouent pleinement leur rôle, comme cette bibliothèque mythique…Il survient le grain de sable qui craque sous les dents du destin et fait s’écrouler l’édifice ! La vie en commun est-elle un défi ?
A la mesure de notre vieux monde exsangue qui s’essouffle de porter en sa surface toutes les violences : humaines, politiques, conflictuelles, terroristes, financières, intégristes, écologiques…décuplées par des médias toujours plus nombreux et corrompus. La paix est-elle un rêve ?
L’homme en appelle alors à Dieu, le cherche désespérément : « Dieu aide moi », mais saura-t-il trouver le chemin, entendre sa réponse, en être digne ? Elle est d’ailleurs peut-être beaucoup plus simple qu’il n’y paraît : « Maymouna connaît Dieu et Dieu connaît Maymouna ».
Au cœur de toute question nait le pouvoir de la réponse apportée, de celui qui apporte la réponse, bonne ou mauvaise. C’est le maître mot : pouvoir, l’armature de tous ces récits : pouvoir de l’homme sur la femme, ou l’inverse, pouvoir du politique sur le peuple, ou l’inverse, de l’homme sur la nature ou…l’inverse…. Quel que soit le lieu où il prend sa source, dans l’apparente beauté de la planète bleue, il dépasse souvent à celui qui le détient. De moyen il devient fin.

Mais l’homme est un être surprenant. Et quand le tyran se penche sur lui pour recueillir dans la plus malsaine des jouissances son dernier souffle, la peur de la peur disparaît : l’homme ne craint plus rien et emporte avec lui dans la mort son oppresseur. Avec humour. Contre-pouvoir !
La démocratie, le moins imparfait des modes de gouvernement naît dans la douleur.

Cerné par l’horreur, le visiteur lecteur se perd et sent toute confiance se rétracter, l’abandonner.
Mais, pour se sauver, y a-t-il d’autre choix que d’affronter son histoire et la réalité ?
Avec la perception, la sensibilité aigüe de l’écrivain, l’auteur met en scène les maux de l’humanité pour les rendre visibles, lisibles. Avec un style puissant, des mots qui choquent et frappent comme des poings, des situations d’où toute malice n’est pas absente, Ridha Smine en dessine les reliefs, les décrypte. Il nous place face au miroir, les yeux dans notre vérité, et guide notre prise de conscience, nous obligeant à choisir notre camp dans un monde binaire.

Au moment où nous sombrons dans cet univers torturé arrivent ces lignes dont la beauté atteint à l’essence même de la poésie. Arrive Ada la voilée et son symbolique arc en ciel, celle qui réalise l’union du soleil et de la pluie. Figure de la mère universelle qui veille sur sa tribu.

Alors renaît l’espoir d’un homme meilleur, ni mouton, ni loup, équilibriste sur le fléau de la balance. Nous pouvons réagir. Nous pouvons agir. Initiateur, acteur de la renaissance, l’auteur conjure le sort par le verbe. Il a vocation d’exorciste.




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