À propos de la révolution

Tarek Heggy
2011 / 8 / 4



À propos de la révolution
Par Tarek Heggy(*).
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I – Les faits

Quand un grand nombre de citoyens y participent, quand les effets engendrés
sont considérables, quand il mène à des changements majeurs dans la réalité
quotidienne, un mouvement de masse ou un simple mouvement populaire
atteignent un point tel qu ils ne peuvent être appelés que révolution. Et il
ne fait aucun doute que le nombre d Égyptiens et d Égyptiennes, qui ont
participé au mouvement lancé le 25 janvier 2011, n était pas seulement
grand, mais le plus grand à maints égards. Ainsi, le nombre de manifestants
appelant au changement ne se limitait pas seulement au million d Égyptiens
et d Égyptiennes réunis place Tahrir – et ce pendant plusieurs jours mais
atteignit plus de 10 millions de citoyens sur quelques jours à travers toute
l Égypte. Toutes proportions gardées, on peut affirmer que la foule
descendue pour réclamer le changement il y a quelques semaines dépassait de
loin celle de la révolution de 1919, mais aussi celle descendue pour
soutenir le mouvement militaire du 23 juillet 1952, ou celle qui a mis fin à
l ère soviétique dans tous les pays de ce qu on appelait alors l Europe ou
le Bloc de l Est. Par conséquent, d un point de vue quantitatif, il est
clair que nous avons été témoins du plus grand mouvement populaire dans
l histoire de l Égypte contemporaine et d un des plus grands mouvements
populaires dans l histoire mondiale depuis les deux derniers siècles.



Quant aux conséquences de ce mouvement, il ne fait aucun doute que ce qui a
débuté en Égypte le 25 janvier 2011 a engendré – et continue d engendrer des
changements majeurs et radicaux dans la vie du pays, et notamment le
renversement des responsables à la tête du régime, de ceux qui ont gouverné
l Égypte de manière toujours plus tyrannique durant trente ans pour
atteindre ces dix dernières années une des pires formes d alliance entre le
pouvoir et l argent.



D ailleurs, on peut dire que la révolution a réellement fait tomber le
régime dans son ensemble, bien que de nombreux éléments de sa structure
restent présents et se chargent d ailleurs de mener ce que l on peut appeler
la « contre révolution ». Il est alors clair que les événements qui ont
débuté en Égypte le 25 janvier 2011 relèvent d une « Révolution », et
d ailleurs d une « grande et belle Révolution », d une « Révolution
blanche » (tout le sang versé n entache que les mains du régime, de ses
complices et de ses agents à compter parmi les hommes d affaires). *



La révolution du 25 janvier 2011 mérite ce qui a été dit à son sujet par
nombre des plus grands dirigeants de la planète. Ils ne se sont pas
contentés de la qualifier de « magnifique révolution » mais ont encore salué
la volonté, la détermination, le génie et le pacifisme par lesquelles elle
s est caractérisée. Beaucoup d entre eux ont d ailleurs appelé à tirer
profit des enseignements de cette révolution au sein notamment des instituts
scientifiques de leurs pays respectifs.



II – Contexte et cause de la révolution



Sans aucun doute, la première moitié de l ère Moubarak en Égypte
(1981–1996) fut tyrannique sur le plan politique et marquée par la
stagnation sur le plan économique et social. Et pourtant, aucune force alors
ne plaidait pour une révolution contre le président Moubarak qui dirigeait
seul le pays. Quant à la seconde période, elle se caractérisa par la
participation au pouvoir de sa famille, et notamment de sa femme et de son
fils cadet, et ce, à tous les niveaux. Le fils cadet du président se chargea
alors de constituer une oligarchie fondée sur une alliance entre des hommes
politiques et de riches hommes d affaires. L influence et l autorité de
cette oligarchie ne cessèrent alors de croître au point d en faire la vraie
détentrice du pouvoir à l intérieur du pays (les affaires étrangères étant
laissées au président). Durant ces années, la tyrannie politique et la
corruption financière ont atteint des niveaux jamais rencontrés par les **É
**gyptiens dans l histoire moderne du pays. Or, cette alliance a commis sa
plus grande faute en 2010, quand le fils cadet du président s est porté au
secours du secrétaire général du parti au pouvoir, à savoir Safwat
El–Chérif, et de l homme d affaire dont il était le plus proche, Ahmed Ezz,
alors soupçonnés par l ensemble des **É **gyptiens de fraude électorale à
deux reprises, lors des élections au Conseil consultatif

** et surtout, lors des élections à l Assemblée du peuple.
<http://www.tarek-heggy.com/French-essays/apropos%20de%20la%20revolution.htm#_ftn2>Ils
s accaparèrent alors de 98% des sièges de l Assemblée du peuple pour
leur camp et en laissèrent à peine 2% pour le reste de la représentation
nationale ! Ce fut la goutte d eau qui fit déborder le vase. Revenons alors
sur le contexte de cette époque…Durant la seconde moitié de l ère Moubarak,
ce dernier s était affaibli face à sa famille, et notamment face sa femme et
son fils cadet, leur permettant ainsi de participer davantage à la gestion
de la vie politique, économique, sociale, culturelle et éducative du pays.
Il finit alors par leur céder la plupart de ses prérogatives en se
contentant de la gestion des affaires étrangères. Cela laissa la place à la
constitution d une alliance diabolique entre le pouvoir et l argent qui
s est gavée de la corruption, dans toute l **É **gypte et à tous les
niveaux, durant plus d une décennie. L « orgie de la corruption » culmina
alors, à des niveaux jamais vus, dans la fraude électorale lors des
dernières élections parlementaires, quelques semaines seulement avant que ne
se lève la tempête révolutionnaire le 25 janvier 2011.

III – La révolution était-elle prévisible ?



Ces dernières années, j ai eu l occasion de visiter et d intervenir dans la
plupart des plus grandes facultés, des plus grands instituts et centres
d études américains ou européens qui s intéressent au Moyen Orient. J ai pu
constater que l ensemble de leurs experts prévoyaient en effet l éclatement
d une révolution en Égypte, mais ils prévoyaient alors, tout comme je le
pensais moi-même, qu elle soit menée par les bidonvilles ou par les
mosquées. Or, il n en a rien été. Au départ, cette révolution, qui n en
portait pas encore le nom, a été déclenchée par les enfants de la classe
moyenne qui, pour la plupart d entre eux, sont diplômés de l université. Ils
sont tous également des utilisateurs avertis des nouvelles technologiques
contemporaines dans le domaine de l information et de la communication. Et
c est d autant plus parce que ces jeunes appartiennent à la génération des
technologies de l information, et notamment d Internet, de Facebook ou de
Twitter, qu ils ont pu comprendre deux choses : d abord, la citoyenneté et
tout ce qu elle implique ; ensuite, le rôle supposé d un gouvernement.
Ainsi, la plupart des jeunes de cette génération connaissent les droits des
citoyens et citoyennes bien plus que les générations précédentes et sont, en
même temps, avisés du fait que le rôle d un gouvernement est de servir et
non pas de régner. Ils font clairement la différence entre les gouvernements
« qui servent » dans les pays développés et les gouvernements « qui
règnent » dans des pays comme l Égypte.



IV – Le 25 janvier 2011



Malgré l arsenal à la disposition de la Sûreté Nationale, malgré le
renforcement spectaculaire du nombre de fonctionnaires au service du
ministère de l Intérieur ces dernières années (ils sont passés de cent mille
en 1981 à plus d un million début 2011), malgré l espionnage, les mises sur
écoute et le contrôle de l ensemble des moyens de communication comme de la
plupart des médias, la révolution du 25 janvier 2011 a eu lieu. Et elle
s est organisée autour d une seule arme, une volonté d acier, qui, dès le
début, a réalisé de manière prodigieuse le rassemblement du peuple. Tous ces
éléments méritent d être étudiés tout comme ils méritent d être célébrés. De
même, quand l État policer s est chargé de couper l accès à Facebook et à
Internet, de bloquer les SMS, et enfin d interrompre les réseaux de
téléphonie mobile (autant d agissements méprisables, indignes de
gouvernements respectables et respectueux du peuple, et qui devront être
jugés devant un tribunal), la révolution s est tout de même frayée un chemin
comme si elle suivait une « partition de musique » déjà écrite. Bref, la
« connaissance » a vaincu la primitivité d un pouvoir déconnecté de son
époque. Les dirigeants du mouvement « Kefaya ** » m ont raconté à quel point
ils désespéraient depuis des années d être un jour capables de convaincre,
ne serait-ce que mille personnes, de se rassembler pour une protestation. Et
voilà que les jeunes du 25 janvier sont passés du rêve d une manifestation
de quelques milliers à une révolution de millions de personnes rassemblées
sur une même place ! Et ce, pour la simple et bonne raison qu ils ont vaincu
la peur et ont cru en leur message et en eux-mêmes, en même temps qu ils ont
compris que leur ennemi était fort en apparence mais très vulnérable en
réalité.


V – Une révolution pour la liberté, et non pas pour le pain

Bien qu il soit important pour l homme de vivre dans de bonnes conditions,
la « dignité » et la « liberté » ont devancé le « pain » et l « emploi »
dans les motifs de la révolution du 25 janvier 2011. En réalité, il existe
une relation étroite entre ces deux types de considérations, bien comprise
par les jeunes de la révolution. L absence de garantie de conditions de vie
dignes pour le peuple égyptien est le résultat d un régime politique qui a
empêché l émergence des conditions de la liberté et a sabré à la racine la
dignité des citoyens. En effet, les peuples jouissant de libertés et de
dignité humaine participent à la vie politique, peuvent changer leurs
dirigeants, modifient les règles du pouvoir et en fin de compte,
garantissent à tous les citoyens et citoyennes le respect des droits humains
qui permettent une vie digne, dans tous les sens du terme (qu il s agisse
d accéder à un logement, à la nourriture, de former une famille, d élever
ses enfants ou encore d accéder aux soins médicaux, etc.).

VI – Revendications de la révolution


Les revendications de la révolution étaient, en premier lieu, politiques
(liberté, dignité, participation citoyenne, justice sociale). D autre part,
elles étaient intérieures. Les révolutionnaires ne se sont pas trompés dans
la teneur des grands slogans relatifs aux questions étrangères. Leur plus
grand souci était la réforme au sein de la nation, et non pas la réforme des
affaires mondiales. Or, savoir correctement établir ses priorités est un
signe de maturité et de pondération intellectuelle.

VII – Une révolution civile

Dès le premier instant et jusqu au renversement du président au pouvoir par
la révolution, celle-ci aura été « uniquement civile » à tout égard. Et dans
les quelques cas où se sont élevés des slogans religieux, la foule les fit
rapidement taire par un tonnerre d acclamations : « civile… civile ».

L un des points positifs de cette grande révolution est la mise au jour du
poids réel de plusieurs institutions : le gouvernement du président
Moubarak, les partis politiques de l opposition qui se sont formés sous son
mandat et enfin le mouvement des Frères musulmans. Bien qu on ne puisse pas
nier la présence et l influence de ce mouvement, il est cependant apparu
clairement face au monde entier que le régime avait à dessein exagéré
l importance des Frères musulmans. Il s agissait d effrayer le reste de la
planète dans le but essentiel d enraciner l idée que le président Moubarak
représentait la seule alternative face aux Frères musulmans.

VIII – Jours de révolution

Des dizaines d articles et d ouvrages seront publiés dans les mois et
années qui viennent sur ce qui s est passé durant les jours de la révolution
et tous ces détails feront alors ressortir la beauté du peuple égyptien.
Mais ce qui m importe ici est d exprimer ce qui m est apparu personnellement
comme témoin présent place Tahrir. D abord, j évoquerais la volonté et la
détermination déployée par les Égyptiens pour arriver à leurs fins (toutes
qualités dont beaucoup les croyaient alors dépourvus). Deuxièmement,
l harmonie, la fraternité, la solidarité, la coopération, l entraide ont
atteint un niveau dont, à mon avis, le monde n a jamais témoigné jusqu à ce
jour. Troisièmement, une persévérance d ampleur mythique qui fit face aux
forces d oppression diaboliques menant la guerre à leur peuple au moyen
d armes, de véhicules, de cavaliers et de chameliers rémunérés, ou encore de
cocktails Molotov. Pendant près de trois semaines, la « Persévérance des
révolutionnaires » est restée égale à elle-même tel le granite que les
Anciens Égyptiens s efforçaient de dompter. Quand on écrit l histoire de
cette révolution, il faut bien mettre l accent sur les crimes du
gouvernement du président Moubarak. Il suffit de citer la tentative de
terroriser les révolutionnaires par l attaque barbare commise par des hommes
de la Sûreté, un grand nombre de repris de justice, et des propriétaires de
chevaux et chameaux - utilisés en temps normal pour les touristes . Cette
attaque barbare a été organisée et financée par des hommes du pouvoir et des
hommes d affaires qui y étaient liés, et il est impératif que ces hommes
soient jetés en prison pour le reste de leur vie après avoir été jugés
devant un tribunal équitable, et non pas un tribunal militaire devant lequel
le régime de Hosni Moubarak avait l habitude de faire juger les civils.

IX – La chute incroyable de la police égyptienne

Durant la révolution du 25 janvier, j ai été témoin de la chute
invraisemblable de l appareil policier égyptien. Le régime avait dépensé des
dizaines de milliards de livres égyptiennes pour la police, sans compter
tout l équipement et autres armes, au point d en faire pour ainsi dire une
armée. Par ailleurs, le régime avait augmenté le nombre de fonctionnaires de
la police au point de dépasser le million d officiers, de policiers, de
soldats et de conscrits. Durant ces jours, j ai réellement pu mesurer l état
de désagrégation et de pourriture de cet immense appareil dont le ministre
avait substitué la mission « servir le peuple » par celle de « servir le
régime ». L agression commise par cet appareil policier contre le peuple est
à l évidence ce qui a causé son incroyable chute. Mais je tiens à souligner
que la police comptait aussi, et compte toujours, d honnêtes citoyens
totalement dévoués au service de la nation et de leurs concitoyens. Or,
c est la direction de la police, autrement dit les ministres de l Intérieur
de l ère Moubarak, et celui qui était à leur tête, en l occurrence Moubarak
lui-même, qui ont perverti la mission de la police en l amenant à se
focaliser sur la sécurité politique au détriment de la sécurité pénale. Et
ce sont ces dirigeants dont les seules préoccupations étaient la corruption
et l affaiblissement de la société –et je parle comme quelqu un qui a connu
personnellement tous les ministres de l Intérieur égyptiens des trois
dernières décennies– des incompétents aux connaissances très limitées et à
l esprit étriqué qui étaient à la charge lors des événements, de ce que l on
a appelé, les tensions interconfessionnelles. De même, ils ont eu recours à
la loi d état d urgence avec le seul but de protéger les hautes sphères du
pouvoir et non pas l Égypte et les Égyptiens. Ainsi, beaucoup de ces
ministres de l Intérieur ont pris part à la diffusion du plus grand mensonge
de notre époque, à savoir que ce régime était la seule alternative aux
démons islamistes. Vu qu il manquait aux dirigeants du régime et de la
sécurité une connaissance historique et culturelle, ils ont traité
uniquement ces démons islamistes d un point de vue sécuritaire sans
considérer l aspect culturel et celui des rapports de force politiques. Et
même du point de vue sécuritaire, les agissements du régime à leur encontre
étaient bien souvent illégaux et relevaient même de l oppression, de
l extrême bêtise, de l impulsivité et de l étroitesse d esprit. À mon avis,
le ministre de l Intérieur est la seule personne à blâmer et non pas ses
officiers ou ses soldats. On ne peut pas leur reprocher les politiques
menées, les directions prises, les buts recherchés par leurs autorités et
précisément par le ministre de l Intérieur, Habib El-Adly.

X – L alliance du pouvoir et de l argent

De nombreux dossiers scandaleux qui concernent ces trois dernières
décennies (1981-2011) et qui s appliquent à tous les plans de la société
peuvent et doivent être maintenant révélés au peuple égyptien. À mon avis,
le dossier le plus important et le plus dangereux concerne cette alliance du
pouvoir et de l argent durant la seconde moitié du règne de Moubarak, soit à
partir de 1996. C est une fois le fils cadet de l ex-président rentré du
Royaume-Uni que les traits de cette alliance se sont petits à petit
dessinés. Cette alliance se fonde sur l appropriation de la vie politique et
économique de l époque par quelques hommes du pouvoir liés à quelques hommes
d affaires. Ceux-ci ont alors pris le pas sur le parti au pouvoir, à
l intérieur duquel ils ont constitué une entité distincte appelée Comité des
politiques. Puis, ils ont commencé à investir d autres domaines et secteurs
économiques importants. En quelques années, la plupart des directeurs de
banques sont devenus membres de cette alliance. Ils ont ensuite étendu leur
influence à la presse et aux médias nommant certains de leurs membres à la
tête de nombreuses agences de presse et de télévision, leur permettant ainsi
de largement influencer l opinion publique égyptienne. Au cours d une
seconde phase, cette alliance diabolique s est introduite au cœur de
nombreuses institutions importantes à la tête desquelles, les universités.
Cette alliance a été la malédiction de l ex-président et c est elle qui a
fait naître dans la tête et le cœur des jeunes l esprit de la révolution. Et
c est elle qui a mis fin à l épisode Moubarak et à son esprit à l origine
des maux d une époque parmi les pires de l histoire égyptienne. Il ne fait
aucun doute que les Égyptiens ont rendu un grand service à leur pays et aux
générations futures, notamment en exigeant l ouverture d enquêtes sur les
dossiers politiques et économiques afin de condamner toute personne ayant
violé la loi de quelque manière que ce soit, et notamment par le pillage du
pays, ou la diffusion de la corruption durant les trente dernières années.
Et la définition de corruption doit englober toute augmentation de fortune
résultant de la collusion avec le pouvoir.

XI – Série de concessions accordées par le régime face à la tempête
révolutionnaire

Le fait d être resté longtemps au pouvoir et le manque de culture sont les
causes principales pour lesquelles les dirigeants de l ancien régime n ont
pas compris l étendue et le but de la révolution qui s est déclenchée le 25
janvier 2011. Cette incompréhension a mené ces dirigeants à penser qu ils
étaient face à des « manifestations » pouvant être surmontées par des
mesures sécuritaires accompagnées de concessions : limogeage du gouvernement
(celui de Ahmed Nazif), nomination d un vice-président (afin d occuper le
poste pour lequel l ex-président avait cherché en vain pendant plus d un
quart de siècle la bonne personne), annonce du fait que le président et son
fils ne se présenteraient pas aux élections présidentielles de septembre
2011, limogeage des dirigeants du Parti national (les plus détestés par les
Égyptiens) et enfin délégation des pouvoirs du président au vice-président.
Or, ces miettes n ont pas été suffisantes pour calmer la révolution.
Cependant, nous remercions le fils du président pour avoir été à l origine
de l alliance du pouvoir et de l argent sans laquelle le peuple égyptien
n aurait pas atteint ce degré de colère critique à l origine de la
révolution et contraire à la nature calme des Égyptiens que d aucuns
disaient fatalistes. Nous remercions également les dirigeants de ne pas
avoir compris ce qui se passait, car dans la situation inverse, ils auraient
certainement pris des mesures coercitives menant à encore davantage de
victimes innocentes (ceci ne remettant aucunement en cause la cruauté par
laquelle ils ont tué plus de trois cents Égyptiens. Ces assassins doivent
être jugés et pendus).

XII – Discours de l ex-président durant la révolution

Durant la révolution, les trois discours de l ex-président ont mis au jour
beaucoup des sentiments et des pensées qui l attachaient à son pays et à son
peuple. Ils ont révélé une obstination ne pouvant résulter que d une
étroitesse d esprit. Ils ont également démontré que l ex-président se
pensait en bienfaiteur de l Égypte, responsable de ses nombreux progrès (!).
Ils ont montré un orgueil qu il n avait jamais dévoilé à ce point
jusqu alors. Enfin, ils ont montré son insistance curieuse à refuser de voir
la réalité. L ex-président n a jamais appelé les événements passés par le
terme de « révolution » et n a jamais fait référence à l oligarchie qui a
entraîné la révolution glorieuse du 25 janvier. De surcroît, il n a jamais
mentionné la fraude aux élections du Conseil consultatif et aux élections de
l Assemblée du peuple. Cette fraude représentait pourtant la plus grande
offense à l encontre du peuple égyptien. De plus, l ex-président n a
présenté aucune excuse publique au peuple pour ce qu il a perpétré contre
lui, avant et durant la révolution. De même, il n a pas présenté ses
excuses, après que son régime a tué plus de trois cent Égyptiens. En outre,
il faisait patienter des heures entières le peuple avant de daigner
prononcer des discours annoncés et très attendus. Une preuve supplémentaire,
s il en fallait, du manque de respect pour son peuple. Enfin, son dernier
discours (24 heures seulement avant sa démission) restera comme le pire
discours qu il n ait jamais prononcé, depuis son arrivée au pouvoir le 14
octobre 1981. Et je suis certain que ces discours feront l objet d analyses
et de commentaires nous permettant d en tirer des dizaines de leçons.



XIII – Incompréhension…dédain…obstination…chute…démission



Pendant la révolution, le régime a prouvé par son comportement son
incompréhension fondamentale de ce qui se passait, une incompréhension qui
le menait à toujours plus de dédain et renforçait la réputation de
l ex-président et de son « obstination légendaire » dont il était fier.
Cette réalité a permis aux révolutionnaires (qui ont fait preuve d une
bravoure et d une persévérance admirable) de parvenir à leur première
victoire, à savoir la démission de l ex-président. Et je parle de première
victoire car la révolution a d autres objectifs, non moins important que le
premier, mais qui n ont pas encore été réalisés.



XIV – Chute du président…débâcle du régime mais pas encore sa chute *



Sans aucun doute, la révolution du 25 janvier a réussi à la fois à
renverser le président, et à défaire le régime…mais de manière encore
incomplète. Les figures, les hommes, les méthodes et les objectifs des
institutions publiques du régime sont toujours présents. Il est probable que
ce soit la seule alternative au chaos et au vide. Or, les prochains six mois
seront déterminants : le régime déchu parviendra-t-il à réinstaller un
nouveau régime avec les mêmes caractéristiques que l ancien, ou bien les
forces armées (espoir du peuple égyptien) réussiront-elles à gérer la
situation de manière à lancer une toute nouvelle ère pour l Égypte à compter
du 14 octobre 2011 ? Une nouvelle ère dans laquelle les Égyptiens
jouiront d une grande liberté politique et participeront à la marche du pays
et à son avenir…Une nouvelle ère dépourvue de corruption et sans alliance du
pouvoir et de l argent...Une nouvelle ère dans laquelle les présidents
alternent au pouvoir, rendent des comptes et composent des gouvernements au
« service du peuple » ?

XV – Les Forces Armées

Sans aucun doute, les forces armées ont protégé la révolution et le peuple
dans son ensemble de beaucoup des maux que le président et quelques
dirigeants à la tête des institutions politiques et sécuritaires n auraient
pas hésité à commettre pour rester au pouvoir. Dans ce contexte, toutes les
décisions et mesures prises par l armée ont été inspirées par le
patriotisme, l amour du peuple et la sauvegarde des installations et des
richesses de l Égypte. Et tout cela a été fait avec beaucoup d amour et de
délicatesse. Nous espérons que l armée transmettra le pouvoir à un président
élu par des élections libres et transparentes, ainsi qu à un gouvernement
civil regroupant des personnes qualifiées afin d ouvrir la page d une ère
meilleure pleine de libertés, de probité et de transparence ; une époque où
quiconque acceptera d avoir à répondre à des questions.

*Bref, il s agissait d esquisser une « image panoramique » de la plus
splendide révolution dans l histoire de l Égypte… Je rédigerai un autre
article dans lequel j aborderai ce qui devrait être fait durant cette phase
transitoire.



(*) TAREK HEGGY.




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