La gouvernance mondiale multi-acteurs et le cosmopolitisme

Dr. Jamal Iddine AIT TAHAR

2016 / 2 / 15




Au sens strict, les relations internationales sont les relations - de tout type - entre É-;-tats, en tant que sujets originaires du droit international public. Au sens large, les relations internationales sont, en plus des relations entre É-;-tats, celles entretenues avec les autres acteurs supra-étatiques étrangers (Organisation Intergouvernementales universelles ou régionales), infra-étatiques (régions, communes…etc.), mais aussi celles entreprises avec les nouveaux acteurs en puissance tels que les Organisations non gouvernementales, les Firmes transnationales, les Centres de recherche « Think tanks », les Agences de notation, les Organisations professionnelles ou syndicales et surtout les Mass-médias. Mais, comment ces relations internationales sont-elles impactées par la mondialisation actuelle? Une mondialisation dont les traits saillants sont l’information de masse et instantanée, la communication pluri-dir-ectionnelle et les réseaux de communications satellitaires et via fibres optiques trans-océaniques.
Serions-nous en présence d’un « cosmopolitisme » qui se nourrit de la démocratie délibérative engendrée par les techniques d’information et de communication « TIC »? Les É-;-tat et leurs sacro-saintes souverainetés seraient-ils « en danger » ou bien résisteraient-ils via leurs frontières et les règles protectionnistes du droit international public? La gouvernance mondiale pluri-acteurs l’emporterait-elle sur l’état de quasi-monopole juridique de l’É-;-tat sur la scène internationale?
Dans cet article, nous allons réagir à ces interrogations en dressant un diagnostic des relations internationales durant les vingt dernières années (1995-2015), caractérisées par la gouvernance multi-acteurs et la mondialisation médiatique (I) et en qualifiant le débat établi sur la toile (réseau Internet) comme une sorte de démocratie délibérative mondiale représentant une ébauche à un «cosmopolitisme» montant et confirmant l’émergence des concepts de puissances douce et structurelle comme alternatives à la puissance dure (II).
I. Les Relations internationales à l’ère de la gouvernance mondiale.
La notion de gouvernance mondiale (ou globale) désigne une coopération élargie à d’autres acteurs que les É-;-tats. Elle semble comme une réaction à un constat voire à un contexte nouveau: un contexte où les É-;-tats n’ont pas le monopole de la puissance légitime, à coté desquels existent d’autres institutions et acteurs contribuant au maintien de l’ordre et participant à la régulation économique et sociale mondiale. Mais quels sont les acteurs classiques et nouveaux de cette gouvernance et quelles sont leurs interactions?
1. Les acteurs de la gouvernance mondiale.
Nous entendons par acteurs de la gouvernance mondiale : Les É-;-tats, les organismes trans-étatiques tels les organisations intergouvernementales OIG, les organisations non gouvernementales ONG (La société civile à caractère national et international), les firmes transnationales (multinationales), les médias (classiques et nouveaux), Les réseaux interprofessionnels (Universités, "Think Tanks"). Ces différents acteurs forment aujourd’hui l’architecture de la gouvernance mondiale.
Mais, au vu du droit international public, ces acteurs sont de deux types ceux détenant la personnalité juridique internationale et ceux ayant seulement une personnalité juridique de droit interne. Pour la première catégorie citons les Etats et les organisations intergouvernementales (mondiales ou régionales), alors que les autres acteurs cités ci-dessus ne sont pas des sujets du droit international.
Commençons par les deux premiers acteurs en l’occurrence les Etats (A) et les Organisations interétatiques (B):
A- L’Etat:
L’Etat est communément défini comme une collectivité qui se compose d’un territoire et d’une population soumis à un pouvoir politique organisé, (Commission d’arbitrage de la Conférence européenne pour la paix en Yougoslavie 1991 :5)
L Etat, ou l institution des institutions comme disent les juristes, est une entité politique caractérisée par un gouvernement exerçant une autorité souveraine garantissant l unité d un peuple et d un territoire délimité par des frontières, et personnifiant juridiquement la nation. L Etat est donc une notion juridique qui désigne l espace ou s exerce la puissance d un gouvernement.
En droit international, l’É-;-tat est le seul acteur pertinent pour l’étude des relations internationales entre Etats à force variée.
Raymond Aron résume la spécificité des relations internationales comme suit: j’ai cru trouver ce trait spécifique [des relations internationales] dans la légitimité et la légalité du recours à la force armée de la part des acteurs. Dans les civilisations supérieures, ces relations sont les seules, parmi toutes les relations sociales, qui admettent la violence comme normale. Max Weber définissait l’Etat par le monopole de la violence physique légitime. Disons que la société internationale est caractérisée par l’absence d’une instance qui détienne le monopole de la violence physique légitime (Aron 1967 : 837).
B- L’Organisation internationale:
On parle d’organisation internationale ou intergouvernementale pour designer un groupement «d’Etats constitués par convention, dotés d’une constitution et d’organes communs, possédant une personnalité juridique distincte de celle de ses membres et ayant la qualité de sujet de droit avec compétence pour conclure des traités » (Tawil 2010 : 54).
Le droit international public ne reconnait que ces deux acteurs en tant que sujets de droit international : le premier originaire, le second dérivé ou subsidiaire.
D’où deux ordres juridiques coexistent dans le droit international à savoir: l’ordre relationnel constitué par des règles dites de coordination (à ce niveau les Etats sont théoriquement sur un même pied d’égalité dans la mesure ou ils sont tous souverains) -;- et l’ordre juridique institutionnel qui appartient, lui à la sphère des rapports qui s’animent entre Etats avec ou au sein d’organisations internationales. On y trouve alors un ensemble de règles tendant à instituer des rapports dits de subordination dans la mesure où les organisations internationales cherchent à intégrer les Etats en leur imposant les principes fondamentaux des chartes constitutives considérées comme des normes supérieures en hiérarchie (Agueznay 2003).
Par la suite, détaillons la nature des acteurs non institutionnels: Les Organisations Non Gouvernementales (C), les firmes transnationales ou multinationales (D) les syndicats (E), les associations professionnelles (F), les Centres de recherche (G), les agences de notation (H), et les mass médias (I).
C- Les Organisations Non Gouvernementales « ONG » ou Société Civile:
Les organisations non gouvernementales sont des structures à but non lucratif, œuvrant pour le bien public, souvent de façon transnationale, principalement dans les secteurs du développement, des droits de l Homme et de l environnement. Il s agit d institutions indépendantes, dont le financement est essentiellement privé.
Selon leur affinité intellectuelle, plusieurs théoriciens ont défini la société civile. D’abord pour les libéraux, la société civile est «une sphère sociale de jugement constituée en dehors de l’É-;-tat et du marché pour influencer, infléchir ou contrarier les choix collectifs nationaux ou globaux» (Laidi 2004 : 96). C’est aussi « l ensemble des associations, organisations et mouvements qui, à la fois, condensent et représentent en les exprimant dans l espace public politique, la résonnance que les problèmes sociaux trouvent dans la vie privée» (Habermas 1997 :394).
En théoricien néo-communiste, Antonio Gramsci, estime que l’É-;-tat est composé de deux entités majeures que sont d’une part la société politique (gouvernement, armée, justice, institutions politiques…) détenant le pouvoir coercitif et, d’autre part, la société civile (société bourgeoise), composée, notamment d’intellectuels ayant pour but de rechercher le consentement spontané de la base sociétale en produisant l’idéologie légitimant le pouvoir en place (Gramsci 1975: 336).
D- Les firmes transnationales ou multinationales :
Il s’agit d’entreprises privées constituées sur la base du droit d’un É-;-tat déterminé et dont les activités se déroulent dans une multitude d’autres Etats, et cela au travers de sociétés filiales ou associées. Formellement les sociétés sont soumises aux droits nationaux des Etats dans lesquels elles ont leurs sièges, et dans lesquels elles agissent. Mais en réalité leur poids est souvent si important qu’elles sont en mesure de négocier -dir-ectement avec les Etats.
L’influence de ces sociétés est désormais considérable, la Cour internationale de justice estime que désormais elles constituent « des institutions qui ont débordé les frontières et ont commencé à exercer une influence considérable sur les relations internationales » (CIJ 1970 : 33). En principe, quelque soit l’importance de ces sociétés, les contrats qu’elles passent avec des Etats sont des contrats de droit interne. La jurisprudence arbitrale internationale dans un arrêt estime que: «Tout contrat qui n’est pas un contrat entre Etats en tant que sujets du droit international a son fondement dans une loi nationale» (CPJI 1929 : 100).
A l’heure actuelle, les firmes transnationales sont les principaux opérateurs du commerce mondial et devenues de véritables acteurs non étatiques des relations internationales économiques. Selon la CNUCED , le Produit Intérieur Brut « PIB »mondial est de 62,9 trillions de dollars dont 47,8 trillions, soit 76,8 %, sont crées par le secteur privé. La part des firmes transnationales se monte à 15,6 trillions, soit 30% de la participation du secteur privé dans l’économie mondiale (World Investment Report 2011 : 86).
E- Les associations professionnelles:
Les associations professionnelles transnationales constituent un autre canal d’influence des acteurs économiques privés.
Parmi les exemples de leur action de lobbying, citons, au plan européen, la Business European Roundtable, qui regroupe 45 patrons de multinationales européennes. Aussi, le cas de l’Unice, qui rassemble 33 fédérations d’employeurs provenant de 25 pays européens et qui exerce un lobbying important afin d’éviter l’accumulation de contraintes législatives européennes de type environnemental et social.
Au plan international, citons l’United States Committee on International Business (USCIB)-;- la Chambre de commerce international, le Business and Industry Advisory Committee (BIAC) au sein de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE).
Ces associations professionnelles transnationales furent, par exemple, la source principale de rédaction de l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI) en 1998. Lequel fut finalement abandonné.
F- Les Centres de recherche «Think Tanks»:
Un « Think Tank » littéralement « réservoir de pensée », est une organisation […] réunissant des experts, vouée à la recherche d idées nouvelles, et cherchant à peser sur les affaires publiques (Huyghe 2012).
Ce sont des corps intermédiaires, crées pour servir de contrepoids au pouvoir de la majorité, qui ont pour fonction d éduquer le peuple à la liberté politique et à l égalité. Il s agit d’ « Instruments crées et animés par des individus libres et égaux pour canaliser l énergie de la société démocratique » (De Tocqueville 1981 :152).
Leur objectif est la réflexion sur les questions nationales et internationales afin de permettre aux décideurs et au public d’un Etat donné de prendre des décisions éclairées sur les questions de politique publique.
G- Les agences de notation ou de «Rating»:
Historiquement, la notation est apparue en 1909 avec « Moody’s » qui commença à attribuer des notes (rating) aux entreprises américaines: depuis AAA pour les firmes considérées comme les plus solvables à F pour celles en défaut de paiement. A partir du milieu des années 1910, Standard Statistics, Poor’s puis Fitch se lancerent à leur tour dans la notation « corporate ». En 1918, Moody’s innove à nouveau en attribuant des notes aux Etats donnant naissance au «rating » souverain.
Le développement des marchés financiers depuis les années 1980 et la fiabilité des « ratings » émis expliquent la multiplication et la diversification des services proposés par les agences qui notent désormais les dettes souveraines, sub-souveraines (villes, régions, provinces…) , les obligations des entreprises, des banques et des compagnies d’assurance, les financements structurés, les dépôts bancaires et les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPVCM) monétaires et obligataires. Il a fallu attendre le premier semestre 2008 pour assister à une chute sensible du chiffre d’affaires et des profits de ces agences, essentiellement sous l’effet de la crise des subprimes et l’échec de ces agences à prévoir cette crise .
H- Les mass médias:
L’avènement des medias numériques trans-étatiques a bouleversé la communication de par le monde. Ces medias sont l’ensemble des moyens de diffusion de l’information. Elles avaient été explicitement reconnus par l’ONU comme indispensables pour garantir la transparence, la responsabilité et la participation, qui sont des aspects fondamentaux de la bonne gouvernance et du développement fondé sur les droits de l homme (Déclaration de Dakar 2005).
De nos jours, l’économie de la connaissance, du numérique et des flux financiers commence à évincer progressivement l’économie matérielle. L’Internet, fruit de l’alliance entre Technologies d’Information (informatique) et de Communication (téléphone), joue désormais un rôle capital dans cette gouvernance a-territoriale donnant lieu à une «intégration médiatique» mondiale.
Par ailleurs, lorsqu’on voit le rôle d’Internet comme support discursif et de débat dans cet espace public mondial. L’on remarque aussi l’émergence d’une décentralisation du discours et du débat au niveau mondial. En fait les réseaux sociaux sur Internet tels Facebook, Twitter regorgent de millions, voire de milliards d’utilisateurs depuis tous les Continents du globe en dépassement (violation) extraordinaire des frontières légales des Etats.
Ainsi, en juillet 2014, le nombre d’utilisateurs mensuel actifs du réseau social Facebook était de 1,32 milliards soit le 1/5 de la population mondiale. Ces utilisateurs sont disséminés dans tous les continents : 292 millions en Europe, 204 millions en Amérique du Nord, 410 millions en Asie et 411 millions dans le reste du monde .
Sous cette mondialisation médiatique, l’espace public est devenu, lui aussi, mondialisé pour donner un espace public mondial, une opinion publique mondiale, une société civile mondiale voire une « citoyenneté » mondiale et ce en dépit des résistances juridiques dues à l’emprise du droit international public et ses concepts clefs (souveraineté, citoyenneté, territorialité…etc.) et des résistances matérielles dues à l’état de disparité entre pays du Nord et du Sud en terme d’accessibilité au réseau. Ce que manifeste le taux de pénétration Internet via le phénomène de fracture numérique entre pays industrialisés et pays en développement.

2. Interactions entre les acteurs:

Les relations entre ces divers acteurs de la gouvernance globale sont variées: depuis les relations juridiques aux relations de partenariats ou d’évaluation en passant par les relations à support éthique.
- Les relations juridiques: Ces relations juridiques sont encadrées par le droit international (conventionnel ou coutumier) via les traités et conventions internationaux ou via le jus cogen . Ainsi, et selon la modélisation ci-dessous, les Etats agissent sur les Organisations Intergouvernementales (OIG) qu’ils ont créées de leur plein gré par des traités internationaux bilatéraux ou multilatéraux. Cette influence des É-;-tats sur les « OIG » se manifeste par la définition de leur politique et la conception de leur stratégie.
- Les relations fondées sur le mécanisme éthique sociopolitique qu’on appelle » Naming and Shaming» équivalent à «nommer et ternir l’image» :
Ce type de relations existe entre une multitude d’acteurs de la gouvernance mondiale:
-;- Entre ONG et É-;-tats -;-
-;- Entre mass-médias et É-;-tats-;-
-;- Entre ONG et sociétés transnationales-;-
-;- Entre mass-médias et sociétés transnationales-;-
-;- Entre OIG et sociétés transnationales-;-
Cet instrument sociopolitique est devenu si efficace qu’il trace des politiques et évince des politiciens et agit sur des décideurs économiques du fait qu’il allie entre ONG et mass-médias. Les ONG qui sont devenues puissantes depuis quelques années surtout à l’échelon mondial via leur travail dans des réseaux influençant l’opinion publique mondiale grâce à leur utilisation développée des moyens et techniques de communication nouvelles et mondialisées. Ses ONG se renforcent aussi par leurs participations institutionnalisées dans les conférences internationales et dans les forums civils mondiaux , ce qui leur permet de défendre leurs positions et principes.
L’efficacité du mécanisme socio-médiatico-politique « Nommer et ternir l’image », peut être évalué via l’effet ou l’impact des rapports annuels d’ONG internationales telles « Amnesty International » ou « Human Rights Watch » ou « Freedom House » sur le thème, par exemple, des droits de l’Homme et des libertés publiques dans le monde.
La publication de ces rapports et leurs diffusions sur les mass-médias écrits ou audiovisuels à l’échelle mondiale via les chaines satellitaires ou via Internet provoque systématiquement des réactions de la part des pays concernés (ou nommés) pour éclaircissement ou explication afin d’éviter toute atteinte à leur image essentiellement relativement aux investissements. Les firmes le font aussi pour défendre leur image de marque. Ceci fait apparaitre le rôle grandissant joué par les mass-médias (Internet, Audiovisuel, Presse) comme moyens de concrétisation des objectifs tracés par les organisations non gouvernementales et au même chef, démontre le déclin du rôle des frontières géographiques entre É-;-tats devant un espace mondialisé et surtout devant un marché et une économie mondialisés.
- Les relations de partenariat:
Ce modèle de relations existe entre les acteurs de la gouvernance mondiale suivants:
-;- Entre É-;-tats et sociétés transnationales-;-
-;- Entre ONG et OIG-;-
-;- Entre ONG et mass-médias-;-
Les relations de partenariat se fondent sur l’existence d’objectifs communs entre les acteurs qu’ils soient à but lucratif ou non. A titre d’exemple les Etats essaient d’attirer les investissements des firmes transnationales (multinationales) afin d’endiguer le chômage et de booster les exportations alors que les entreprises visent la réalisation de bénéfices et l’accroissement de la puissance structurelle de leurs pays d’origine . Concernant les relations entre les Organisations Intergouvernementales « OIG » et Organisations Non Gouvernementales « ONG » et entre ces dernières et les mass-médias, elles visent la réalisation d’objectifs de développement humain tels les droits de l’Homme, la santé, l’éducation, l’emploi…etc.
- Les relations d’évaluation:
Cette forme de relations existe entre les acteurs suivants:
-;- Entre agences de notation « Rating » et É-;-tats.
-;- Entre agences de notation et sociétés transnationales.
- Les relations d’expertise et de consulting:
-;- Entre Centres de recherches «Think tanks» et É-;-tats.
Ces centres se présentent comme l’origine d’expertise et de force de proposition pour traiter les questions complexes assemblant les aspects techniques, économiques, juridiques, institutionnelles et stratégiques aussi bien au niveau national que mondial.


II. L’alliance entre démocratie délibérative et Techniques d’Information et de Communication, pont vers le «Cosmopolitisme»:
Si le débat permanent et le dialogue sont les maitres-mots de la démocratie délibérative (1), les Techniques d’Information et de Communication sont devenues le levier vers un cosmopolitisme virtuel via Internet et les médias sociaux (2). Du fait de l’interdépendance accrue entre Etas du globe, le concept de puissance dure « hard power » cède de plus en plus du terrain aux deux autres formes de puissance la douce et la structurelle (3).
1. La démocratie délibérative: un dépassement de la démocratie représentative:
Jürgen Habermas, père du concept de démocratie délibérative, présente cette dernière comme un dépassement ou alternative à la démocratie représentative. C est un modèle basé sur la communication entre les institutions et l’espace public, mais surtout sur la délibération, le discours et le débat. L’auteur insiste sur la relation entre les délibérations institutionnelles dans les corps parlementaires et les délibérations menées dans l’espace public. Dès lors, il faut qu’il y ait une communication constante de ces deux sphères. Il s’agit de combiner les « voies informelles de constitution de l’opinion au sein de l’espace public avec les « procédures institutionnalisées» au sein des instances de décisions comme le Parlement, l’É-;-tat etc. ». Il parle ainsi de « Nécessité d’un rapport réel constant entre les deux sphères » (Habermas 1992b :46)
Mais en les temps qui courent aujourd’hui, les relations internationales deviennent un champ de relations multipartites (gouvernance pluri-acteurs) et d’une étroitesse notoire à cause de « l’intégration médiatique ». Ainsi, le débat et le dialogue qui s’opèrent entre les individus à travers le monde nous mène à -dir-e qu’au niveau mondial s’assoie progressivement une sorte de démocratie délibérative et potentiellement une «citoyenneté» mondiale au moyen et à long terme. Mais qu’est ce qu’on entend par ce terme de cosmopolitisme ?
2. Le Cosmopolitisme: Idée ancienne qui resurgit.
Même si l’idéal cosmopolitique remonte jusqu’à l’antiquité, où les Stoïciens, notamment, avaient déjà conçu que tous les hommes sont citoyens du monde . C’est au XVIIIème siècle que la réflexion sur les conditions d’une réorganisation des relations entre les É-;-tats, incluant la perspective d’un ordre politique global, a obtenu ses fortes impulsions. Au cœur de cette réflexion s’est inscrite la question de savoir si cet ordre politique mondial devrait prendre la forme d’un Etat, ou si c’est selon d’autres modalités qu’il fallait concevoir et mettre en œuvre ce qu’Emmanuel Kant appelait une situation cosmopolitique universelle (Kant 1784).
Kant, précisément, soulignait au VIIIème siècle que des liens ouvrant sur le cosmopolitisme sont, à la faveur des relations économiques, en train de se développer entre les É-;-tats, lesquels font « par avance tous les préparatifs nécessaires à l’avènement d’un grand corps politique futur dont le monde passé ne peut fournir aucun exemple » (Kant 1784).
Jürgen Habermas a expliqué, quant à lui, qu’un gouvernement mondial, communauté cosmopolitique, est nécessaire, dans le seul domaine des droits de l’homme, et avec des moyens militaires pour réagir à leurs violations les plus graves. Il propose la création du statut politique de citoyens du monde, relevant de l’organisation de l’ONU non seulement par le biais de leurs Etats, mais par l’intermédiaire de représentants élus par eux et siégeant dans un parlement mondial-;- la création d’une cour pénale internationale -;- la transformation du conseil de sécurité en véritable pouvoir exécutif. La légitimation démocratique des décisions qui seront prises à l’échelle mondiale pourra être renforcée par « une participation institutionnalisée d’organisations non gouvernementales aux délibérations des systèmes internationaux de négociation» et par « la proposition qui a été faite de conférer à l’ONU le droit de demander aux É-;-tats membres d’organiser à tout moment des referendums sur des sujets importants tels l’environnement, l’égalité entre les sexes, l’interprétation des droits de l’homme et la pauvreté» (Habermas 2000 : 86). Pour lui, un signe tangible de l’émergence d’une sphère cosmopolitique est la formation d’une société civile mondiale ou ce qu’il appelle « espace public planétaire » (Habermas 1996 : 44)
À-;- leur tour, Antoni Negri et Michael Hardt partent du double constat d’un déclin progressif de la souveraineté des Etats-nations et de l’émergence d’une nouvelle forme de souveraineté. Celle-ci est composée d’une série d’entités nationales et supranationales : ce qu’ils nomment l’ « Empire », forme du monde organisée autour du capitalisme. Dans ce monde le pouvoir « monarchique » des Américains est contrebalancé par le pouvoir « aristocratique » des acteurs du marché mondial et par le pouvoir « démocratique » des plus démunis. Les deux auteurs proposent instituer une citoyenneté mondiale comme premier élément d’un programme politique pour la multitude mondiale, sur le modèle de l’-union- européenne, qui pourrait être l’un des moteurs de cette citoyenneté mondiale (Negri, Hardt 2000 :140).
Quant à Francis Fukuyama, il imagine la création d’un « É-;-tat universel reposant sur le double pilier de l’économie et de la reconnaissance » (Fukuyama 1992: 21). Pour lui, il ne faut pas commencer par songer à un gouvernement du monde. Il existe aujourd’hui trop d’institutions internationales-;- elles sont inefficaces et non réformables -;- et un élargissement du Conseil de sécurité à de nouveaux membres permanents ne ferait qu’augmenter les blocages, car aucun des membres permanents actuels n’acceptera, pense-t-il, de renoncer à son droit de veto. Et, en premier lieu, les É-;-tats-Unis. Il propose donc de se concentrer plutôt sur la construction d’organisations régionales, les unes autour de l’atlantique, les autres autour du Pacifique. A l’échelle mondiale, Francis Fukuyama propose de donner corps à une institution restée jusqu’ici confidentielle, la Communauté des démocraties, créée à Varsovie en 2000, regroupant en théorie toutes les démocraties du monde.
Ulrich Beck, le philosophe allemand, propose, lui, la création d’un É-;-tat mondial cosmopolite dans lequel les hommes se sentiraient reliés par une double loyauté au monde et à la nation, au cosmos et à la polis-;- double allégeance qui les rendrait à la fois universels et particuliers. Cela serait rendu possible par la formation d’un É-;-tat mondial fondé sur la tolérance et le dépassement des différences nationales. Il ajoute que le cosmopolitisme est « le nouveau concept dominant quant à la manière d’insérer la mondialisation dans la politique, l’identité et la société […] le nationalisme est affaire de distinction et de loyauté exclusives […]. Il est donc possible d’avoir tout à la fois des ailes et des racines, et de développer des affiliations riches de sens sans pour autant renoncer à ses origines » (Beck 2006 : 140). Le cosmopolitisme ne doit pas être confondu avec l’idée d’un É-;-tat mondial centralisé. Pour Beck, le Cosmopolitisme n’est pas si loin de la réalité d’aujourd’hui : « tout pays qui met la démocratie et les droits de l’homme au dessus de l’autocratie et du nationalisme est déjà sur la voie de l’Etat mondial cosmopolite centralisé » (Beck 2006: 140).
Tout comme ces théoriciens, les hommes politiques et les décideurs de par le monde manifestent leur conviction de cosmopolitisme pacifique et prospère .
Le célèbre banquier germano-américain, Paul Warburg, promoteur de la Réserve fédérale des É-;-tats-Unis (FED) affirmait «Nous aurons un gouvernement mondial, que cela plaise ou non. La seule question sera de savoir s’il sera créé par conquête ou par consentement» (Warburg 1917).
Le Parlement européen recommandait que « l’on prenne en considération la possibilité de créer une assemblée parlementaire consultative au sein de l’ONU afin de permettre aux représentants élus des peuples de participer plus pleinement au travail des organes onusiens » (Parlement européen 1994).
L’ancien haut représentant des affaires extérieures et de sécurité de l’UE Javier Solana parlait deux impératifs « Nous avons deux impératifs: améliorer la gouvernance mondiale et renforcer la légitimité démocratique » (Solana 2006).
L’ancien chef de gouvernement français Dominique De Villepin, déclarait à France-Inter, quant à lui, qu’« Il faut appliquer au niveau mondial ce que nous appliquons au niveau national : la démocratie» (De Villepin 2003).
Michel Camdessus, ancien -dir-ecteur du FMI, affirmait « Il faut que la mondialisation serve au progrès de l Humanité, qu elle aille dans le sens de la fraternité. (...) Notre citoyenneté devrait être mondiale avec la réforme nécessaire des Nations Unies et des grandes institutions financières et internationales» (2009).
Enfin, Bill Gates ancien patron de Microsoft, l’homme le plus riche du monde, est un farouche partisan de la « citoyenneté mondiale ». Ses actions en faveur des démunis partout au monde le prouvent .
Au demeurant, les souverainetés des É-;-tats-nations sont les principales résistances à cette « citoyenneté cosmopolitique ». En fait deux courants se confrontent en matière de souveraineté. La souveraineté opérationnelle incarnée par les É-;-tats-Unis et la souveraineté partagée représentée par l’-union- européenne (Laidi 2004 : 46).
La première se base sur l’idée selon laquelle les É-;-tats sont les principaux sujets de droit du système mondial chose qui leur rapproche de la théorie réaliste en relations internationales. Les É-;-tats-Unis privilégient cette voie car craignant l’avènement d’un ordre politique à venir dont la finalité est un gouvernement mondial mettant à bas la souveraineté étatique.
La seconde est fondée sur la gouvernance par la norme juridique. L’UE la conçoit comme norme stable et négociée entre ses acteurs institutionnels . Les européens préférant ainsi agir par la norme que par la force en ce qu’ils appellent la force de la loi au lieu de la loi de la force.
Mais, comment les relations internationales s’articulent-elles avec le concept phare de sociologie politique de puissance ?
3. Le concept de puissance dans les relations internationales: de la puissance dure à la douce puis à la structurelle.
La puissance signifie «toute chance de faire triompher au sein d’une relation sociale sa propre volonté, même contre des résistances, peu importe sur quoi repose cette chance » (Weber 1995: Chap. I, § 16). C’est « la capacité d’un acteur ou d’un groupe d’acteurs à influencer les actions d’un autre acteur ou groupe d’acteurs [...] Le pouvoir [...] décroit généralement avec la distance, sauf en cas de discontinuité spatio-politique majeure» (Beauguite 2011: 277).
En général, comme le précise Raymond Aron, la puissance est « la capacité de faire, produire ou détruire. La puissance d’un individu est la capacité de faire, mais, avant tout, celle d’influer sur la conduite ou les sentiments des autres individus. J’appelle puissance sur la scène internationale la capacité d’une unité politique d’imposer sa volonté aux autres unités» (Aron 1962: 58).
Voyons maintenant quelles sont les catégorisations qu’on peut attribuer au concept de puissance dans le domaine des relations internationales à savoir la puissance dure, douce et structurelle.
A. Puissance dure « Hard power »:
Le concept de puissance dure d’un É-;-tat a trait à sa force matérielle, militaire, économique et financière. Elle se prête ainsi à une force de contrainte et de coercition appliquée par un Etat ou une organisation internationale contre un autre sujet de droit international et ce via des sanctions allant depuis l’embargo économique jusqu’aux opérations militaires physiques.
D’ailleurs, l’article 41 de la Charte des Nations Unies prescrit le recours aux sanctions économiques dans un premier temps avant toute opération militaire.
La littérature abonde sur les facteurs de puissance dure d’un Etat, plusieurs auteurs s’y sont intéressés :
D’abord, le géopoliticien américain Nicholas Spykman (1942) avance dix facteurs de puissance: la surface du territoire, la nature des frontières, le volume de la population, l’absence ou la présence des matières premières, le développement économique et technologique, la force financière, l’homogénéité ethnique, le degré d’intégration sociale, la stabilité politique, l’esprit national-;-
Hans J. Morgenthau (1949), lui, parle de huit facteurs: la géographie, les ressources naturelles, la capacité industrielle, l’état de préparation militaire, la population, le caractère national, le moral national, la qualité de la diplomatie.
Rudolf Steinmetz (1929) en énumère huit également: la population, la dimension du territoire-;- les richesses-;- les institutions politiques-;- la qualité du commandement-;- l’unité et la cohésion nationales-;- le respect suscité et les amitiés à l’étranger-;- les qualités morales-;-
Alors que Guido Fischer (1939) classe ces éléments de puissance en trois catégories. D’abord les facteurs politiques: position géographique-;- dimension de l’É-;-tat-;- nombre et densité de la population-;- habileté d’organisation et niveau culturel-;- types de frontières et attitudes des pays voisins. Puis en deuxième lieu les facteurs psychologiques: flexibilité économique et habileté d’invention. Persévérance et capacité d’adaptation. Et enfin les facteurs économiques: fertilité du sol et richesses minérales-;- organisation industrielle et niveau technologique-;- développement du commerce et des transactions-;- force financière (Tawil 2010 : 45).
B. Puissance douce« Soft power»:
La puissance douce est utilisée en théorie des relations internationales pour décrire la capacité d’une organisation politique ou non comme un Etat ou une organisation non gouvernementale, à influencer in-dir-ectement le comportement d’un ou de plusieurs autres organisations politiques. A l’inverse des mesures coercitives utilisées dans le « Hard power », à partir de mesures comme le recours au militaire ou au blocus économique, le « Soft power » fait appel à des mesures plus subtiles empreintes de cultures, de valeurs, de meilleures pratiques (best practices), de convictions, ainsi que d’une capacité à convaincre ou à rechercher un consensus. La force ici est la persuasion, l’attraction et non la coercition.
La puissance douce est une puissance diffuse et non palpable à la différence de la puissance dure. Historiquement, elle avait émergé dans les années 1970 avec Joseph Nye et Robert Keohane et leur livre «Power and Interdependence» paru en 1977. Puis, avec Joseph Nye seul en 1990 dans «Bound to lead: The changing nature of american power». Cet auteur y recommanda le concept de puissance douce pour les É-;-tats-Unis à dessein de conserver leur hégémonie. Selon lui, les intérêts de l’Amérique seront assurés plus par le soft power que via le déploiement de la force militaire et la domination économique.
La diffusion de la culture, des valeurs politiques et de l autorité morale des É-;-tats-Unis dans le monde sont les maitre-mots pour ce politologue et politique américain, auteur aussi de « Soft power: The mean to success in world politics» .
Sur le terrain, les Administrations démocrates successives aux Etats-Unis (Clinton I et II, Obama I et II), dont Joseph Nye était conseillé présidentiel de la première, se sont inspirées de cette théorie de soft power. Alors que les républicains J. Bush et J. W. Bush I et II se sont à l’opposé penchés vers la puissance dure.
Dans ce contexte de gouvernance mondiale pluri-acteurs, d’autres acteurs de la scène politique et économique mondiale ont mis à profit ce concept de puissance douce. Il s’agit des firmes transnationales , les ONG à caractère transnational , les mass médias transnationaux tels les chaines de télévision satellitaires et les réseaux sociaux d’Internet.
B.1. L’-union- Européenne: un exemple de puissance douce.
Pour jouer au niveau international un rôle significatif, l’-union- européenne, cherche à faire prévaloir l’idée de relations internationales régies par la règle de droit. Il s’agit de participer à la mise en place de normes venant organiser le monde et les rendre opposables à tous, y compris aux plus puissants.
Romano Prodi, en chef de la Commission européenne, déclarait en 2000, devant le parlement européen « ce n’est pas prétendre à l’impérialisme que de vouloir étendre ces principes et partager notre modèle de société avec les peuples de l’Est et u Sud en quête de paix, de justice et de liberté -;- en fait l’Europe doit aller plus loin. Elle doit se vouloir puissance civile globale au service du développement soutenable dans le monde » (Parlement européen 2000).
Cette ambition normative émane du fait que la construction européenne a instauré une culture de souveraineté partagée, où une norme commune peut être définie et respectée. Le projet européen consistant à atténuer la dimension conflictuelle de la souveraineté et à inventer des normes et à contourner la souveraineté sans la détruire.
L’Europe met donc son modèle soft power au service d’une généralisation au niveau mondial, d’une croyance en la force socialisatrice du commerce qui conditionne aussi la prospérité. Le rang de premier exportateur mondial de l’UE, milite en faveur des préférences européennes dont la défense de valeurs non-marchandes et l’environnement (Laïdi 2006 : 86).
Jürgen Habermas, en partisan de ce « soft power » européen, alertait cette Europe et plaidait, au début des années 1990: « Jusqu’à présent, l’Histoire n’a accordé qu’une seule chance aux empires qui se sont faits et défaits. Cela vaut aussi bien pour les empires de l’Antiquité que pour ceux des É-;-tats modernes comme le Portugal, l’Espagne, l’Angleterre, la France et la Russie. L’Europe semble échapper à la règle, puisqu’une seconde chance lui est aujourd’hui accordée. Cette chance, elle ne pourra toutefois plus l’exploiter en adoptant une politique de puissance d’un autre âge, mais en faisant siennes des prémisses nouvelles, à savoir la recherche d’une compréhension mutuelle avec d’autres cultures et le souci d’apprendre quelque chose de celles-ci» (Habermas 1992a : 78).
B.2. Les É-;-tats-Unis: la souveraineté nationale opérationnelle.
Les É-;-tats-Unis, en plus de la Chine, l’Inde et la Russie, ne parlent que la langue de la souveraineté nationale et pratiquent à outrance la « Realpolitik». Cette dernière s’entend comme la recherche de l’intérêt national de l’Etat sans prendre en considérations les clivages idéologiques. On cite comme exemple l’action de l’Administration américaine sous le président Richard Nixon lorsqu’elle avait repris les relations diplomatiques avec la Chine communiste en 1973. Et aussi la politique américaine de « Containment » vis-à-vis de l’ex -union- Soviétique pendant la Guerre froide. La théorie réaliste des relations internationales s’apparente à cette vision de hard power où l’Etat est l’acteur omnipotent de la scène internationale.
Aussi les É-;-tats-Unis ne sont pas partie à une multitude de conventions internationales fondamentales. A titre d’exemple leur refus de ratifier le Traité de Rome de 1998, instituant le Tribunal Pénal International (TPI) arguant de ne pas accepter de juger leurs citoyens par une juridiction étrangère. Tout comme la Convention des Nations unies sur l’interdiction des mines anti- personnes de 1997 et la Convention des Nations unies relative à la protection des droits des travailleurs immigrés et leurs familles .
De nos jours, ces relations internationales sont si fortes, étroites et entrecroisées qu’elles donnent naissance à une interdépendance multiforme: économique, financière, culturelle, sociale, juridique et politique . De ce fait, l’usage de l’option économique ne cesse de gagner du terrain sur l’option de la force militaire dans la résolution des litiges internationaux et ce en parallèle avec l’émergence de la théorie d’économie politique internationale de Puissance structurelle.
C. La Puissance structurelle:
La théorie de Puissance structurelle a été forgée par Susan Strange dans les années 1980. Elle se base sur l idée selon laquelle les rivalités sur la scène internationale, depuis les années 1970, étaient désormais d ordres économique et financier bien plus que militaire.
Pour l’auteur, la puissance structurelle est la capacité à déterminer la façon dont sont satisfaits quatre besoins sociaux essentiels dans une économie moderne: la sécurité, le savoir, la production et la finance (Strange 1988 :16). C est donc en quelque sorte la capacité à influer sur les besoins des consommateurs. Cette capacité, les É-;-tats n en ont plus le monopole -;- ils doivent composer avec des acteurs privés disséminés à travers le monde .
Aujourd’hui, l’accroissement du recours aux sanctions économiques au lieu et place des opérations militaires dans le règlement des litiges internationaux est peut-être annonciateur de ce degré d’interdépendance vulnérable entre Etats.
En fait, l’efficacité des sanctions économiques est indéniable à cause de cet état d’interdépendance entre les pays du monde. Une interdépendance qui n’épargne personne car tous dépendent désormais des fluctuations des cours mondiaux. La révolution numérique a miniaturisé le monde en en faisant un village planétaire et en donnant à son intégration économique, financière et médiatique un élan infernal.
Cette tendance vers les sanctions économiques dans la société interétatique se manifeste actuellement dans les cas d’Iran et de Russie. Ces deux pays ont été frappés par des sanctions économiques et financières depuis 2006 pour l’Iran et depuis le début de 2014 pour la Russie.
Le Fonds Monétaire International dans son rapport de 2013, rendu public au début de 2014, a estimé que tous les indicateurs de l’économie iranienne étaient au rouge à cause des répercussions négatives des sanctions économiques occidentales sur le pays: Taux de chômage record, banques et entreprises en crise, taux de croissance faible et inflation en hausse. Le rapport prévoyait aussi une hausse des prix entre 20 et 25% et un Produit intérieur brut en régression de 1 à 2% pour l’année 2014 .
Ce qui a fait que le mardi 14 juillet 2015 (l’anniversaire de la révolution pour les français) à Vienne, les grandes puissances planétaires (les membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne) ont conclu avec l Iran un accord pour résoudre ce dossier nucléaire iranien et ce à l issue de 21 mois de négociations et neuf ans de sanctions économiques, financières et militaires (2006-2015).
La Russie, elle aussi s’est trouvée sous un régime de sanctions économico-financières imposées par les occidentaux (É-;-tats-Unis, -union- européenne, Japon et autres pays de l’Organisation de Coopération et de Développement É-;-conomique) depuis le déclenchement de la crise ukrainienne début 2014.
En effet l’Occident reproche à la Russie de Vladimir Poutine son immixtion dans les affaires internes de ce pays est-européen. L’impact de ces sanctions se fait dangereusement sentir aux citoyens russes, leur monnaie nationale, le Rouble, a chuté de moitié de valeur en plus de la dégringolade des cours de pétrole, principale source de rentrée en devises pour l’économie russe (50% des recettes du budget).
En guise de synthèse, la puissance est une combinaison de ces trois types de puissance (dure, douce et structurelle). À-;- croire Hannah Arendt, cette puissance s entend comme une capacité d action collective que se donne à elle-même une communauté politique : Elle ne se confond pas avec la domination par la force mais constitue le seul moyen d éviter la violence .
In fine, une bonne nouvelle vient de tomber. Après l’approbation de l’Accord (5+1) - Iran sur le programme nucléaire par le Conseil de sécurité des Nations Unies en date du 20 juillet 2015, la chambre des Sénateurs a échoué sur le plan interne américain, le 10 septembre 2015, dans son face à face avec la Maison blanche, à l’invalider. Mieux encore l’accord s’est concrétisé en ce début de 2016 et les sanctions ont été levées le 16 janvier 2016 après le feu vert donné par l’Agence Internationale de l’énergie atomique «AIEA».
C’est peut-être la consécration pour un paradigme de règlement pacifique des conflits dans le concert des nations prônant des sanctions économiques plus fructueuses et moins désastreuses pour les vies humaines.

Conclusion

À-;- l’ère de la gouvernance en réseau basée sur l’Internet et les moyens de communication de masse telles les chaines de télévision satellitaires, les journaux électroniques et les forums sociaux (face book, twitter…), l’É-;-tat comme acteur originaire et historique du droit international et de la mondialisation est, par la force des choses, contraint d’obtempérer aux règles du marché mondialisé. Un marché où les firmes transnationales ou multinationales se positionnent en acteur principal qui se taille désormais aux É-;-tats en dépit de leur faiblesse en matière de personnalité juridique internationale.
En fait le droit international ne reconnait pas en ces institutions commerciales des sujets de droit. Elles ne sont que des sujets de droit interne de leurs Etats de rattachement. Les relations économiques devenues ainsi si interdépendantes qu’on n’ait recours à la force militaire entre pays discordants que rarement, alors que les sanctions économiques sont monnaie courante dans la vie internationale. Le règlement pacifique, en juillet 2015, du conflit Irano-occidental sur le programme nucléaire iranien en est une preuve tangible.
Sur le plan politique, l’on remarque que les acteurs nouveaux gagnent de plus en plus de pouvoir, ne serait ce qu’en matière de puissance douce, dans la gouvernance mondiale. Des acteurs comme la société civile, les mass-médias, les centres de recherche, les agences de « Rating » et surtout les grandes firmes transnationales sont actifs et nourrissent des tendances vivaces d’un cosmopolitisme humain. Un cosmopolitisme, initié au 18ème siècle par Emmanuelle Kant, qui est devenu une théorie « ressuscitable » grâce à la démocratie délibérative facilitée par la grande toile et ses medias sociaux.
En fait, l’Internet façonne un contexte fondé sur le discours et la délibération dans l’espace public national et mondial. Un espace public mondial où règnent les principes de démocratie, de droits de l’Homme dont la liberté d’expression et le dialogue instantané immatériel et permanent. Ces facteurs potentiels de cosmopolitisme n’ont de cible que la préservation de la dignité et des droits humains pour tout homme et non pas l’homme en tant que citoyen d’un pays donné. Dans cet élan optimiste, on sent que les individus à l’échelle du monde virtuel vivent déjà une situation cosmopolitique depuis quelques années !
La question qui se pose est la suivante : Est ce que la mondialisation de l’économie et des principes démocratiques et des droits humains impliquerait-elle la concrétisation de l’idéal cosmopolitique de « gouvernement mondial»? Décidément pas aujourd’hui mais irréversiblement ça le sera un jour!

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